Rivesaltes 1988, en 2018 il aura trente ans !
Il est des millésimes dont on se souvient plus que d’autres . Dans une vie de vigneron – mais cela est vrai pour la plupart d’entre nous passé un certain âge – la mémoire est souvent plus persistante lorsqu’elle concerne des événements anciens alors qu’elle se montre plus légère lorsqu’il est question d’histoires récentes !
Arrivé à Banyuls en 1976 j’ai appris le métier de la vigne avec des ouvriers agricoles qui travaillaient pour mes grands-parents . Nous étions trois pour travailler une dizaine d’hectares qui n’étaient pas mécanisés et mon grand-père ne voulait pas entendre parler de désherbant qu’il appelait du « tue herbes » ! Autant dire dans ces conditions que toute notre énergie était dirigée vers la vigne et le vignoble qu’il souhaitait entretenir comme un jardin . Aussi j’ai des souvenirs assez précis des conditions météorologiques que nous devions affronter .
Si 1986 fut est un beau millésime, il avait vu une grande partie du cru Banyuls brûler et bien entendu, l’année suivante, le 3 octobre 1987 exactement, on pouvait circuler en barque dans les rues du village : il « tomba » 280 mm en quelques heures, la Baillaury repoussée par la mer qui subissait un fort coup d’est, sortit de son lit inondant la ville. Les jours qui suivirent cet épisode il fallut attendre plusieurs semaines pour que la pluie cessant, elle laisse entrer une forte tramontane. Desséchant ce qui restait de la vendange en raisins secs et passerillés, elle nous interdisait une récolte normale et ne nous laissait le choix qu’à une récolte en sur-maturité et l’élaboration de naturellement doux …mais ça c’est une autre histoire.
En 1988 le printemps fut également pluvieux et favorisa l’éclosion de mildiou , maladie rare à Banyuls. Aussi cette année là une partie de la récolte du cru fut perdue pour ceux qui n’avaient pas été vigilants. Cela faisait déjà plus de dix ans que nous étions Banyulencs et pour la première fois je découvrais les conséquences possibles de cette maladie sur le vignoble !
Ce qui va caractériser ce millésime c’est qu’une fois passée cette période de fortes humidités avec les incidences que l’on sait en ce qui concerne l’état sanitaire du vignoble, nous allions rentrer dans une longue période de sécheresse et de beau temps à tel point que lors des vendanges, nous emploierons avec mon frère l’expression : « cette année nous rentrons du grenache petits grains » formule utilisée pour distinguer les deux variétés de muscat mais certainement pas le grenache !
Dix ans après cette petite récolte nous avons eu le plaisir de découvrir des bouteilles de Collioure 1988 qui témoignaient de la qualité de ce millésime confirmant leur aptitude au vieillissement jusqu’en 2008. Alors bien sûr en ce qui concerne les vins doux Rivesaltes rien d’extraordinaire à ce qu’ils soient encore bien vivants trente après !
Marc Parcé.