L’an 2000…
Il est bien difficile aujourd’hui pour un enfant d’imaginer ce que représentaient ces mots magiques il y a cinquante ans.
Enfants de l’après guerre, on évoquait ce temps comme celui d’un avenir paradisiaque, incarnant pour nous la notion même de progrès technique, symbolisant un monde idéal, ce monde couleur d’orange dont parlait Aragon, un monde « moderne » où rien ne serait plus comme avant, un monde où nous serions libérés de nos pesanteurs et de nos limites, de nos petitesses et de nos contingences…
La fin des années 90 incarna pour beaucoup de vignerons français une période où tout semblait possible et en ce qui nous concerne, libérés de nos complexes de vignerons du sud, quittant l’enclave banyulencque nous partions quelques uns de La Rectorie (où nous travaillions tous à l’époque et aujourd’hui géré par Thierry et Jean Emmanuel Parcé) explorer le nord-ouest du Roussillon, nous éloignant du rivage méditerranéen, afin d’y établir une « fondation ».
Les Hautes Corbières du Roussillon comme on les appelait jusqu’en 1972, abritaient au sud d’un plateau qui surplombait le village de Maury, un petit village et une cave qui allaient nous accueillir après une expérience concluante à la Cave Coopérative de Maury pour le millésime 2000 ; lors de ces vendanges nous élaborâmes pour le compte de la cave un essai de vinification en vin rouge en vue d’une future AOC sur ce terroir qui à l’époque ne produisait que des VDN. Vincent Legrand était aux manettes et déploya son énergie coutumière pour mener à bien ce projet.
Fort de cette expérience l’équipe de La Rectorie renforcée d’une jeune vigneronne et de deux vignerons plus expérimentés, nous faisions l’acquisition dès juillet 2001 de la cave coopérative de St Arnac afin d’établir un lieu de vinification dans les Fenouillèdes, à proximité du cru Maury . Là, nous avons recherché à expérimenter ce qui faisait les particularités de ce terroir de Maury en y appliquant les mêmes exigences et la même discipline que celle qui avait été la nôtre au Domaine de La Rectorie. Durant dix ans nous avons essayé tant à la vigne qu’à la cave, avec des moyens modestes, de chercher à faire parler cette grande muette qu’est le terroir ! Une fois encore, comme à La Rectorie, l’absence de moyen fut notre guide, l’absence de gourou notre credo !